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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/405

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pour augmenter la confusion générale, et donner à Rob-Roy plus de facilité de s’échapper.

Il ne fut pas très-difficile à un nageur aussi habile que l’était le montagnard de se soustraire à ses ennemis dès qu’il eut échappé aux premières poursuites. Il y eut pourtant un moment où il se trouva serré de près, et plusieurs coups de feu vinrent frapper dans l’eau tout près de lui. Cette scène me rappelait la chasse à la loutre, dont j’avais été témoin à Osbaldistone, où l’animal se découvre aux chiens par la nécessité de mettre son museau au-dessus de l’eau pour respirer, et leur échappe en plongeant tout aussitôt qu’il a renouvelé sa provision d’air. Mac-Gregor, cependant, eut recours à une ruse que la loutre ne peut employer : au moment où il était poursuivi de plus près, il réussit à se dégager de son plaid, qu’il laissa flotter sur l’eau. Ce vêtement attira bientôt l’attention générale : un grand nombre de cavaliers se laissèrent tromper à cet indice ; et tandis que tous les coups se dirigeaient de ce côté, celui auquel ils étaient destinés s’éloignait rapidement.

Dès qu’on eut une fois perdu de vue le prisonnier, il devint presque impossible de le reprendre, car, dans beaucoup d’endroits, la rivière était inaccessible par la hauteur de ses rives ; dans d’autres, elles étaient couvertes de buissons, d’aunes, de peupliers et de bouleaux qui en défendaient l’approche aux cavaliers. Des méprises et des accidents avaient aussi eu lieu pendant ces poursuites, que l’obscurité rendait de plus en plus difficiles : quelques cavaliers se trouvèrent emportés par le courant, et se seraient noyés sans le secours de leurs compagnons ; d’autres, blessés par des coups de feu ou des coups de sabre dans la mêlée, imploraient de l’aide et criaient vengeance ; il y eut même une ou deux circonstances de ce genre qui amenèrent un combat entre plusieurs hommes de la troupe. Enfin les trompettes sonnèrent la retraite, ce qui annonça que l’officier commandant renonçait, quoique bien à regret, à l’espoir de reprendre le prisonnier qui lui avait si soudainement échappé. Les soldats commencèrent à se rassembler lentement, se querellant les uns les autres. Je les vis obscurcir de leurs masses le bord méridional de la rivière, dont le murmure, long-temps couvert par des cris de poursuites et de vengeance, se mêlait maintenant d’une manière confuse aux voies irritées et mécontentes des cavaliers dont l’espoir venait d’être trompé.

Jusque là je n’avais été que spectateur, quoique bien loin d’ê-