Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/464

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nids ce printemps, et nous n’avons plus de jeunes gens ici pour les abattre.

— Chacun son droit[1], dit André. Son Honneur aime la bibliothèque ; il n’est pas un de vos papistes qui se plaisent dans les ténèbres de l’ignorance, monsieur Syddal. »

Le sommelier, fort à contre-cœur, à ce qu’il me parut, me conduisit à la bibliothèque : contre mon attente, et malgré ce qu’il venait de dire, je reconnus que l’intérieur de cet appartement avait été arrangé depuis peu ; il était mieux en ordre que je ne l’avais jamais vu. Un feu clair brillait dans la cheminée, sans aucune apparence de fumée. Prenant les pincettes comme pour arranger le bois, mais en réalité afin de cacher sa confusion, le sommelier observa qu’il brûlait bien maintenant, quoiqu’il n’eût fait que fumer toute la matinée.

Désirant être seul jusqu’à ce que j’eusse pu me rendre maître des sensations pénibles que tous les objets qui m’entouraient faisaient naître en moi, je priai le vieux Syddall d’aller chercher le régisseur de la terre, qui demeurait à un quart de mille environ du château ; il partit avec une répugnance visible. J’ordonnai ensuite à André de chercher une couple de jeunes gens vigoureux, sur qui il pût compter ; car la population du voisinage était toute papiste, et je savais Rashleigh capable de se porter aux plus grands excès. André se chargea de cette commission avec empressement, et me promit de m’amener de Trinlay-Knowe deux vrais presbytériens comme lui, en état de faire face au pape, au diable et au Prétendant. « Et, ma foi ! je ne serai pas fâché moi-même d’avoir leur compagnie, car la dernière nuit que j’ai passée à Osbaldistone (je veux que tous les bourgeons de mon petit jardin soient gelés si je ne dis pas la vérité), j’ai vu ce même portrait qui est là (il montrait le portrait du grand-père de miss Vernon) se promener au clair de lune dans le jardin ! Je me souviens d’avoir dit à Votre Honneur que j’étais poursuivi par les revenants cette nuit-là, et que vous n’avez pas voulu me croire… J’avais toujours cru qu’il y avait de la sorcellerie et de la diablerie chez les papistes, mais je l’ai vu de mes propres yeux dans cette nuit effrayante.

— C’est bon, partez ! Allez chercher les hommes dont vous parlez, et ayez soin qu’ils aient plus de bon sens que vous, et qu’ils n’aient pas peur de leur ombre.

  1. Our ain reck’s better than other folk’s five, proverbe écossais qui signifie littéralement : « Notre propre fumée vaut mieux que celle des autres foyers. » a. m.