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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/55

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craignirent de perdre sa protection, s’ils refusaient de mettre leur prisonnière en liberté.

Les frères se résolurent donc à relâcher la malheureuse femme, mais auparavant ils essayèrent de tous les moyens imaginables pour l’amener, soit par crainte, soit autrement, à s’avouer l’épouse de Robin-Oig. De vieilles sorcières de la montagne lui administrèrent des drogues qui devaient agir sur elle comme des philtres, mais elles eurent sans doute un effet contraire. James Mohr la menaça un jour, si elle ne reconnaissait pas la validité de son mariage, de lui faire voir qu’il y avait assez de braves gens dans les montagnes pour lui apporter les têtes de deux de ses oncles qui poursuivaient l’affaire comme parties civiles. Un autre jour il tomba à ses genoux, confessant qu’il avait été complice dans la violence qu’on lui avait faite, mais la suppliant de ne pas causer la ruine de sa femme innocente et de sa nombreuse famille. On la contraignit à jurer qu’elle ne poursuivrait point ses ravisseurs, et à signer une déclaration que c’était à sa demande qu’on l’avait enlevée.

James Mohr Drummond conduisit donc sa prétendue belle-sœur à Édimbourg, où, pendant quelque temps, elle fut transférée d’une maison dans une autre, surveillée par ceux chez qui elle logeait, ne pouvant ni sortir seule, ni même s’approcher de la fenêtre. Le tribunal considérant la particularité du cas, et regardant Jeanne Key comme encore exposée à de mauvais traitements, se chargea de pourvoir à sa sûreté, et ordonna qu’elle demeurerait dans la famille de M. Wightman de Mauldsey, homme fort respectable, qui avait épousé une de ses proches parentes. Deux sentinelles veillèrent nuit et jour à la porte de la maison, précaution qui ne parut pas inutile, puisqu’il s’agissait des Mac-Gregor. On lui permettait d’aller partout où elle voulait, de voir tous ceux qu’il lui plaisait de voir, aussi bien que les gens de loi qui plaidaient pour ou contre dans le procès. Lorsqu’elle vint chez M. Wightman pour la première fois, elle avait l’air si accablé d’effroi et de souffrances, ses traits étaient si changés, que sa mère eut peine à la reconnaître ; Jeanne elle-même avait l’esprit si troublé, qu’elle ne la reconnut que difficilement. Il se passa bien du temps avant qu’elle pût se persuader qu’elle était tout à fait en sûreté ; mais, lorsqu’elle fut enfin certaine de sa délivrance, elle fit par-devant les juges une déclaration où elle raconta l’histoire de ses malheurs, imputant à la crainte le silence qu’elle avait d’abord gardé, et annonçant que son intention était de ne pas poursuivre ceux qui l’a-