Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/146

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valier étoit amoureux de moi. Mais, outre qu’il l’étoit pour lors ailleurs, à la vue de toute la cour, et en lieu si élevé, qu’il en fut exilé, son procédé ne s’y accordoit pas. C’étoit bien la conduite d’un véritable ami de me donner les moyens de m’éloigner de lui, et de me confier à des valets fidèles ; mais ce n’étoit pas trop celle d’un amant, et il n’y en a guère qui étant favorisés d’une confidence de cette nature, eussent pu se résoudre à perdre des yeux leur maîtresse, dans une occasion si extraordinaire. Cependant tout le monde crut ce que M. Mazarin voulut faire croire ; et pour mon frère, il y avoit longtemps, comme vous avez vu, qu’il s’étoit avisé d’en faire le jaloux pour le rendre suspect en toutes mes affaires, et me priver de cette sorte de son appui. Il n’est rien de si innocent qu’on n’empoisonnât pour soutenir une accusation aussi détestable ; on produisit jusqu’à des lettres en vers, faute de meilleures pièces. La postérité aura peine à croire, si nos affaires vont jusqu’à elle, qu’un homme de la qualité de mon frère ait été interrogé en justice, sur des bagatelles de cette nature ; qu’elles lui aient été représentées sérieusement par des juges ; qu’on ait pu faire un usage si odieux d’un commerce d’esprit et de sentiments, entre des personnes si proches ; qu’enfin l’estime et l’amitié pour un frère d’un mérite aussi connu que le mien, et qui m’aimoit plus que sa vie aient pu servir de prétexte à la plus injuste, et à la plus cruelle de toutes les diffamations. On trouvera peu d’exemples plus étranges du malheur des personnes de mon sexe, et de mon âge. Les liaisons les plus saintes, où la nature et la raison les engagent, si tôt qu’il plaît à la jalousie et à