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Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/147

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l’envie, deviennent le plus grand des crimes ; mais il n’est rien d’impossible à un dévot de profession, et plutôt qu’il ait tort, il faut que les plus honnêtes gens de la terre soient les plus abominables de tous les hommes.

Je m’emporte peut-être, et le souvenir de ce cruel outrage me fait jeter dans des digressions dont vous n’avez que faire ; mais il est bien difficile de faire de sang-froid un récit si funeste. Il étoit mal aisé de se défier qu’on dût jamais me faire d’affaire, sur une chose aussi connue, que l’union de mon frère avec ma sœur la connétable et moi. Presque toute la Cour a vu une lettre qu’il écrivit de Rome quelque temps après nos mariages, dans laquelle, représentant à un de ses amis le bonheur qu’il avoit d’avoir deux sœurs qu’il aimoit extrêmement, dans les deux plus belles villes du monde, il finissoit par ces deux vers :

Avec la belle Hortense, ou la sage Marie,
Ainsi de sœur en sœur je vais passant ma vie.

Il y a apparence que M. Mazarin auroit employé cette écriture dans son procès, si ma sœur, qu’il vouloit ménager, afin de la mettre contre moi, n’y eût point été intéressée : car elle est bien pour le moins aussi criminelle que l’autre lettre dont il se servit. Mon frère m’avoit écrit cette autre lettre à Saint-Germain où j’étois, quelques jours après que M. Mazarin eut fait abattre le théâtre, que je vous ai dit que j’avois fait faire dans mon appartement. Elle commence ainsi :

Vous, de tout l’univers, unique en votre espèce,
Plus belle que Vénus, plus chaste que Lucrèce, etc.