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Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/193

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MADAME MAZARIN.

Monsieur, monsieur Morin, l’enfant de la maison
De monsieur de Verneuil, de monsieur de Bezon,
Sans petit compliment en forme de prière,
Je vous dirai tout net d’une franche manière :
Il faut tailler, Morin, et tailler promptement,
Ou sortir aussitôt de mon appartement.

Il taille, eût-il la mort peinte sur le visage ;
Mais d’une main fidèle il ne perd pas l’usage ;
Et son œil attentif, par un soin diligent,
Aide la Provençale9 à s’attirer l’argent.
Laissez, ô grand Morin ! parler toute la terre.
Que chacun, par dépit, vous déclare la guerre :
Que certains enchanteurs, irrités contre vous,
Fassent passer la mer à tous vos billets doux
(Billets que la noirceur d’une magie étrange
A transformés à Londres en des billets de change10.)
Ne vous alarmez point : un plus grand enchanteur
S’est déclaré déjà pour votre protecteur ;
De Merlin et Morin le secret parentage
Vous donnera sur eux un entier avantage :
C’est par lui qu’à Saint-James vous taillez hardiment ;
C’est par lui qu’à White-Hall vous dormez sûrement11 ;
Par lui de Newmarket les routes détournées
Dans l’ombre de la nuit vous seront enseignées,


9. Manière de mêler les cartes à la bassette, venue de Provence, où l’on aima toujours les jeux de carte.

10. Morin étoit venu de France fort endetté ; et dès qu’on savoit qu’il avoit gagné au jeu, on lui envoyoit ses billets pour les acquitter.

11. Morin perdoit quelquefois de si grosses sommes, qu’il n’osoit paroître que dans les lieux privilégiés.