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Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/223

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vous a été tué ; c’est une chose assez malheureuse : mais il n’y a rien de fort extraordinaire en cette aventure, que votre douleur : les amoureux sont mortels comme les autres : faites qu’aimer soit un privilège pour ne mourir pas, les dames seront accablées d’amants ; il n’y en aura pas moins qu’il n’y a d’hommes. Je sais qu’il est honnête de s’affliger de la perte de ceux qui nous aiment ; mais d’appeler au secours de notre deuil ce qu’il y a de plus funeste, et de prendre par là des résolutions ruineuses, c’est ce que les morts n’exigent point de nous.

Permettez-moi de vous faire un reproche assez honteux, mais nécessaire, pour vous animer à sortir de l’abattement où vous êtes. Dans les temps de prospérité, je ne vois personne si philosophe que vous : vous êtes plus grave dans vos discours que Plutarque, vous dites plus de sentences que Sénèque ; vous faites plus de réflexions que Montaigne. Au moindre accident, au moindre embarras qui vous survient, tout conseil vous abandonne, vous renoncez à votre raison, pour vous livrer à des gens qui n’en ont point, ou qui font leur intérêt de votre perte. C’est trop, c’est trop, Madame, que de donner deux fois la même comédie dans une famille. Et pourquoi vous êtes-vous tant étonnee que Mme la Connétable ait quitté Turin, où elle n’avoit que la