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Page:Abbé du Prat - Vénus dans le cloître ou la Religieuse en chemise, 1920.djvu/159

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temps-là. Il entra de cette manière dans la cour du Palais, tenant sa main gauche sur son fourreau, à l’endroit de la garde de l’épée, comme pour empêcher qu’on ne la lui vint saisir. On ne le vit pas plutôt paraître, qu’une foule de laquais se jette d’abord sur lui, et jugeant du prix de l’épée par la beauté du baudrier qu’ils voyaient porter à ce gentilhomme. Ils crurent de faire un grand butin en lui ôtant son épée, car pour le baudrier, il ne leur était pas permis. Se jetant donc sur l’épée qu’ils croyaient dans le fourreau, et que mon oncle ne pouvait pas leur disputer. Ils s’empressèrent si fort à qui l’aurait, qu’ils se jetèrent tous pêle-mêle sur ce misérable fourreau, qu’ils déchirèrent en mille pièces, ne sachant qui avait saisi l’épée. Mon oncle les regardait faire, et riant, dans le secret de son cœur, de la dispute de plus de deux cents laquais, qui, comme des chiens affamés, aboyaient après la proie, leur dit d’un air ingénu : Messieurs, je sais que mon épie est à vous, et, malheureusement pour moi, j’ai oublié de la laisser en entrant dans cette cour, mais si vous me la faites rendre à celui qui me l’a prise, voilà deux louis d’or que je vous destine pour aller boire à ma santé. Un procédé si honnête ne fit qu’animer davantage ces faquins les uns contre les autres ; chacun accusait son compagnon de l’avoir cachée en quelque lieu reculé ; cependant mon oncle se retira, et leur laissa vider comme ils pourraient une si plaisante