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Page:Abd-Allâh ibn Abd-Allâh - Le présent de l'homme lettré.djvu/17

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affaire, cache-la avec la plus extrême sollicitude, car si elle s’ébruitait, si peu soit-il, on te tuerait à l’instant même et je ne pourrais rien pour toi. Il ne te servirait à rien d’en rejeter la cause sur moi, je le nierais, et tandis qu’on ajouterait foi à ce que je dirais contre toi, on ne croirait pas ce que tu dirais contre moi. Si donc tu prononces un mot de cette affaire je serai net de ton sang. — Que Dieu me préserve, m’écriai-je, d’en arriver là.

Ayant tout fait pour le tranquilliser, je fis mes préparatifs de voyage et je lui dis adieu. À ce moment il me combla encore de ses bénédictions, et me remit comme viatique cinquante dînârs d’or.

Je m’embarquai pour la ville de Majorque, ma patrie, où je m’arrêtai pendant six mois ; puis je me mis en route pour l’île de Sicile, où je restai cinq mois, attendant un navire faisant voile pour le pays des Musulmans. Un navire allant à Tunis étant arrivé, je m’y embarquai. Nous quittâmes la Sicile au moment du coucher du soleil et nous jetâmes l’ancre en rade de Tunis à midi.

Dès que je fus descendu au bureau de la douane, des Chrétiens notables ayant entendu parler de moi, m’amenèrent une monture et me prirent avec eux dans leurs maisons. Quelques négociants également habitant à Tunis, les accompagnèrent. Je passai quatre mois chez eux, jouissant de la plus large hospitalité.

Au bout de ce temps je m’informai auprès d’eux si à la cour du Sultan se trouvait quelqu’un parlant la langue des Chrétiens. (Or le Sultan à cette époque était notre Seigneur feu Abou’l-Abbâs Ahmad). Ils m’apprirent qu’il y avait à la cour un homme distingué, nommé le docteur Yoûsouf, un des principaux serviteurs du Sultan, dont il était le médecin. Cette nouvelle me causa une très grande joie. M’étant informé de la résidence de cet homme, je me rendis chez lui.

Quand je fus auprès de lui, je lui exposai ma situation et lui dis que le motif de mon arrivée était le désir d’embrasser la religion de l’Islam. Le médecin se réjouit extrêmement de cette nouvelle, surtout parce que cet heureux évènement devait avoir lieu par son intermédiaire. Puis il monta sa jument et se rendit avec moi au palais. Il y entra, informa le sultan de mon histoire et demanda une audience pour moi. Ce qui m’ayant été accordé, je me tins en présence du Sultan.

Il s’informa d’abord de mon âge ; je lui répondis que j’avais 35 ans. Puis il voulut savoir quelles sciences j’avais étudiées, ce que