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Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/41

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— Quinze jours ?

Le morticole baissa un peu la tête. Acquiescement ? Je ne sais. Suffoqué d’indignation je me levai.

— Maman, allons-nous-en, vite.

Et nous quittâmes ce prophète de malheur qui dévoile le mal sans pouvoir y remédier.

Hippocrates et guérisseurs, laissez au cœur de vos clients l’ultime espérance. La foi seule sauve.

Dans la rue, je marchais mieux, d’un pas plus assuré.

— N’aie pas peur, maman, il a menti pour me frapper l’esprit. Tu verras. Je ne suis pas si bas que ça.

Cramponné à l’existence, de toute mon énergie juvénile, je lançais à l’oubli, avec dédain, le sinistre présage de Diafoirus.

Et puis, ce furent les ressources qui s’épuisent, l’aveu pénible, et la rageuse exigence du pain quotidien, inexorable antienne des gueux ! Ceux qui ont de l’argent à volonté, n’en connaissent pas la valeur, ne la sauront jamais et c’est tant mieux pour eux ! mais il a dit : « Malheur aux rassasiés car ceux-là auront faim. » En attendant, chaque jour, à la famine aux dents longues, des milliers de pauvres hères sacrifient.

Je me souviens qu’un matin, maman partit. Il le fallait. Crispé je ne pleurais pas, mais je compris, ce jour-là, bien des souffrances et bien des crimes.

Je restais seul avec moi-même, au long des jours qui prenaient de l’ampleur, au long des nuits pleines de terreur. Ma grand’mère m’aime. Mais elle préfère la religion, croit au curé, à l’évêque, au Pape, à Satan et à la damnation éternelle. C’est une hantise chez elle. Elle ne cesse de me tarabuster. « Fais tes Pâques. Va te confesser. » Avec cela, d’abominables sornettes et toute la litanie des mauvais esprits qui rôdent autour de nous. Avec cela, elle prêche aussi les bons services des « guérisseuses » et les