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Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/42

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remèdes « ensorceleurs ». Exaspéré, je suis entré dans une colère terrible. Hors de moi, j’ai fulminé. Elle s’en bouchait les oreilles, la pauvre ! devant mes imprécations sardoniques et pour sûr, elle ne doute point que Paolik, le vieux Lucifer biscornu ne vienne quelque sombre nuit, m’enlever vivant du trident de sa fourche… et l’on sait, chez nous, que par ces ténèbres, les méprises sont faciles !…

Je reçois régulièrement beaucoup de lettres de camarades et d’amis qui s’informent de ma santé. J’en ai reçu une bonne. Lui, fut mon meilleur ami de collège, mon défenseur aussi car il était plus âgé que moi et ancien quand je n’étais que bleu. Nous avions l’un pour l’autre une solide affection. Nous partagions nos jeux et nos colis, fraternellement, avec de temps à autre une courte bouderie agrémentée d’un échange de torgnoles et de ruades. Mais jamais nous nous insultâmes. Pourquoi ? je n’en sais rien… Je ne fus pas gentil pour lui. Je l’avais abandonné un an, pour un autre commensal plus tendre.

On s’égare. On fait un faux pas. Mais qui n’a jamais trébuché ? Je revins à son amitié. Il ne me reprocha rien. Ayant pris la « boîte » en horreur, il avait le cafard. Il voulait s’en aller. Alors, comme ses parents ne voulaient rien entendre, il fit la grève de la faim. Il s’anémia, tomba malade. On l’examina aux rayons X. On lui conseilla le sanatorium. Il rentra chez lui, mal en point. Les soins maternels furent plus efficaces que la médecine. Un an de régime sévère le remit sur pied… Il me disait tout cela, m’exhortait à la patience, me consolait de ce ton énergique et affectueux qui était le sien. Son épître me fit du bien. Je le remerciai avec effusion.

Mars ramena le chant des alouettes.

Chaque jour je me levais, sans pourtant aller mieux. J’étais sujet à de longues rêveries nostalgiques tournant au marasme.

Pour la deuxième fois je suis allé au dispensaire toujours aussi hygiénique et aussi réfrigérant. Un mien oncle