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Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/105

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dix jours ? Un peu de rancune par-ci, un peu d’orgueil par-là, un bruit vague dans quelques coins, pas un atome de besogne faite. Or, la postérité se souciera peu de savoir avec qui nous nous sommes empoignés de notre vivant. Mais, en revanche, si nous avons fait prévaloir une idée utile, ou laissé un beau petit livre, gros seulement comme Paul et Virginie, elle redira nos noms avec reconnaissance. C’est pourquoi regardons en avant et suivons notre route sans retourner la tête contre les malheureux qui nous visent au talon.

Les estaminets contemporains s’amusent de ces querelles. Ils trouvent fort plaisant que leurs supérieurs s’injurient ou même se battent devant eux. Nous serions de grands sots, nous qui valons un peu mieux que les buveurs d’absinthe, si nous nous détournions de notre ouvrage pour distraire ces abrutis. L’honneur nous commande-t-il de rendre injures pour injures ? J’en doute d’autant plus qu’il me paraît difficile de lutter avec les malotrus sans descendre à leur niveau. On partage son honneur et sa célébrité, si l’on en a quelqu’une, avec l’individu qu’on prend à bras-le-corps. Qu’un homme emploie son temps à faire le bien qu’il peut et à publier les vérités qu’il sait : à ce prix, la postérité le placera en bon lieu et les contemporains sensés (nous en avons encore plus d’un) lui rendront tôt ou tard justice.