Page:About - Causeries, première série.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
9
CAUSERIES.

tre, comme un volant ballotté entre cent raquettes, ou comme une souris secouée dans la souricière. Tous ces paquets de couleur brutale n’attiraient les yeux que pour les repousser aussitôt. Je vois encore d’ici quatre épouvantables tableaux de fleurs, ces tableaux que Decamps a si bien condamnés d’un seul mot il y a quelques années : « Quand les fleurs disait-il, sont si mûres que ça, on les flanque habituellement par la fenêtre. » Je vois aussi une espèce de muse en robe violette, avec une façon de rameau d’or sur la tête : jamais l’école académique n’a trouvé pour ses draperies un violet plus triste et plus ingrat. Parlerai-je des caricatures ? Il y en avait là de toute sorte, et notamment une Andromède, qui n’était ni homme ni femme ; mais un bel et bon singe singeant du pays de singerie. Voilà pour le premier coup d’œil.

Mais, de même qu’on s’habitue à respirer l’atmosphère des bains de Pouzzoles, on s’acclimatait à cette exposition. On finissait même, je l’avoue, par y trouver quelque plaisir. J’ai tout vu en grand détail, avec un peintre de proche talent, ami intime et parent de Delacroix. L’ordre historique transformait ce long examen en étude d’embryogénie. On suivait avec un intérêt toujours croissant la marche lente, hésitante et scrupuleuse d’un grand esprit qui s’achemine à tâtons vers la gloire. Rien n’est plus curieux que cette continuité d’efforts, ces innom-