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CAUSERIES.

brables études d’après nature, cette démangeaison de toucher à tout, cette conscience, cette bonne foi, cette persévérance d’un homme qui a passé longtemps pour un brûlot et un casse-cou. Il fallait reconnaître en manière de conclusion que le génie chez Delacroix, comme chez les classiques les plus assermentés, n’a été qu’une longue patience. Aucun maître français, pas même notre immortel Decamps, n’aurait mieux exécuté tel morceau, tel costume oriental, telle croupe à queue fine et soyeuse. Blaise Desgoffe ne rendrait pas avec plus de vérité les détails d’un casque ou d’une cotte de mailles. M. Ingres ne copierait pas mieux un bambin de Raphaël. Aucun peintre de marine ne saisirait au vol cet aspect matinal des vagues souriantes : ce n’est qu’une toile préparée, une pochade tout au plus, mais la pochade d’un chef-d’œuvre.

En résumé, la collection totale ressemblait à cette future reine de France, qui pouvait être aimée pourvu qu’on sauvât le premier coup d’œil. J’espère que le public aura l’occasion de l’étudier plus à l’aise au boulevard des Italiens ; on s’étouffait à l’hôtel des Ventes.

Mais comment expliquer la folie furieuse du public, qui a payé 27 000 francs les quatre tableaux de fleurs à jeter par les fenêtres, et couvert d’or les moindres balayures de l’atelier ? Pourquoi des amateurs intelligents se sont-ils disputé des croquis in-