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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/187

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sont des œuvres uniques dans la poésie française.

Leconte de Lisle s’était courageusement remis à traduire Homère. Son admiration pour l’épopée grecque le poussait à en donner une version exacte où revivraient les premiers Hellènes dans leur caractère héroïque et rude. Cette Iliade nouvelle dut certainement être une révélation, parfois un peu troublante, pour tous ceux qui ne connaissaient les chants des vieux rapsodes que par les autres traducteurs. Dans sa belle traduction d’Homère et dans celles qu’il publia ensuite d’Hésiode, de Théocrite et des Tragiques, Leconte de Lisle a voulu la littéralité absolue. Le premier il a restitué sans aucune exception leurs vrais noms aux divinités helléniques, réforme qui a maintenant triomphé. Il a réussi à rendre, avec un art extrême, les expressions originales dans leur énergie ou leur grâce, les tournures particulières, presque le mot du texte. Mais il n’a pu faire que le grec ne soit pas le grec et que le français ne soit pas le français, que l’un ne soit pas une langue synthétique et l’autre une langue analytique. Il n’a pu façonner le français, si ferme et si précis, à la souplesse du grec ; et en raison même de la rigoureuse exactitude de sa transcription, la lecture en est parfois un peu laborieuse. Je me rappelle une épigramme qui courut le monde des lettres vers 1867 : « Pour comprendre les traductions de Leconte de Lisle, il faut un dictionnaire grec ». Certes, il n’en fallait pas un pour lire « les belles infidèles » de Mme Dacier et les pompeux pastiches de Bitaubé !

Son œuvre d’helléniste terminée, Leconte de Lisle publia les Poèmes tragiques où l’on retrouve la beauté des