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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/188

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Poèmes antiques, le charme et l’originalité des Poèmes et Poésies, la grandeur des Poèmes barbares : il y a Hieronymus, il y a l’Illusion suprême, il y a les Érinnyes. Les Érinnyes avaient été présentées à l’Odéon en 1873. À la première scène, on voulut s’égayer avec le dialogue des vieillards argiens, mais dès l’entrée de Clytemnestre, la tragique beauté du drame imposa aux rieurs. On était dans l’émotion et dans la terreur comme naguère à Athènes quand on joua la trilogie d’Eschyle.

Le 11 février 1886, l’Académie française élut Leconte de Lisle au fauteuil de Victor Hugo. Il était unanimement désigné pour cet héritage, bien qu’il n’y eut entre les deux grands poètes ni parité ni parenté. Non seulement leur forme est très différente, mais leur inspiration, leur conception, leur but contrastent d’une façon absolue. L’œuvre poétique de Victor Hugo, sublime, tumultueuse, immense, infinie, c’est l’Océan. L’œuvre de Leconte de Lisle, c’est un fleuve large et clair qui coule à travers l’histoire et où se reflètent les peuples, les pays, les mâles héros et les autels des dieux morts. Victor Hugo est le plus grand des lyriques. Du lyrisme, il a la flamme, l’élan, l’impétuosité, l’hyperbole, la confusion, les développements sans fin. Leconte de Lisle est plutôt un poète épique, en employant ce terme au sens d’historien des temps qui n’ont pas d’histoire. À côté de la Légende des siècles, les poèmes de Leconte de Lisle semblent une Histoire des Siècles, — histoire des mythes, des croyances et des aventures sacrées de l’humanité, histoire faite presque toute de légendes mais à laquelle, par sa vision précise