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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/215

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qu’il brise à plusieurs reprises par un coup de force et d’éclat, mais qui se reforme impitoyablement et le serre de plus près d’heure en heure, jusqu’à ce que l’hallali final de cette chasse humaine sonne sous les murs mêmes de la capitale [1]. »

Et pour obtenir cet effet d’émotion, comment vous y êtes-vous pris ? Vous avez laissé parler les faits ! Ce que tant de vos prédécesseurs avaient cru devoir arranger ou dramatiser, vous avez compris, Monsieur, qu’il suffisait de l’exposer nûment. Vous avez jour par jour, — et presque heure par heure, — avec une abondance, et en même temps une exactitude dont je ne connais que bien peu d’exemples, reconstitué toute une année d’histoire. C’est pourquoi, s’il n’y a rien de plus « dramatique il n’y a rien aussi de plus simple, de plus uni, de plus savant d’ailleurs en sa simplicité que votre 1814. Et il n’y a rien de plus vivant, parce que tant de menus faits, sous le nombre et le poids desquels un moins habile eût sans doute plié, ne vous ont servi qu’à nous montrer l’âme même de la France engagée dans cette lutte suprême ; et qu’à mêler ainsi, dans le cours entraînant de votre narration, au désespoir d’un seul homme, les angoisses de toute une grande nation.

C’est ce qui m’empêche, Monsieur, d’opposer à mon tour mon Napoléon au vôtre, ou plutôt, et plus modestement, si je ne saurais partager tout ce que Napoléon excite en vous d’admiration, c’est ce qui m’empêche de le dire trop haut. Je songe au mot du moraliste « Orgueil, contrepesant de toutes les misères ! » et quand j’évoque après vous

  1. Duc de Broglie (Correspondant du 25 juillet 1893).