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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/214

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la plus récente, c’était celle que Taine en avait si profondément gravée dans ses Origines de la France contemporaine. On s’accorde communément à la trouver aujourd’hui plus vigoureuse que ressemblante. L’image que vous nous avez donnée de cet homme extraordinaire est-elle plus fidèle ? Ce que je crois du moins que l’on peut dire, c’est qu’elle est différente ! Mais elle a surtout quelque chose de plus héroïque et, sachant bien que l’adversité sera toujours l’épreuve de la véritable grandeur, vous n’êtes pas allé choisir, pour essayer de ramener à lui nos sympathies hésitantes, le négociateur de Léoben et de Campo-Formio, ni le vainqueur d’Austerlitz et d’Iéna, ni le triomphateur de Tilsit et d’Erfurt, mais le glorieux vaincu de la campagne de France.

Les meilleurs juges, les plus autorisés, ont rendu pleine justice à la générosité de votre inspiration, à la précision de votre méthode, et à la lucidité de votre récit. « Je ne crois pas que nulle part, — a écrit un de nos confrères, — cette merveilleuse et lamentable campagne de France ait été exposée plus clairement et mieux mise à la portée des lecteurs les moins familiers avec les notions techniques. On voit nettement que dans aucune des phases de son incomparable carrière Napoléon n’a déployé plus de ressources de génie que dans cette lutte désespérée. Jamais soleil couchant n’a jeté plus de feux. Aucun spectacle n’est plus saisissant que celui de cet homme seul, n’ayant pour se défendre qu’une armée déjà décimée et des conscrits recrutés d’hier, qui fait tête aux légions de l’Europe entière et à tous leurs souverains accourus pour se repaître de ses depouilles. Rien de plus dramatique que de le voir enfermé dans le cercle de fer