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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/219

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vous désintéressiez de rien de contemporain, et, collaborateur assidu du Journal des Débats vous trouviez, entre une lecture de Thucydide et une séance aux archives de la guerre, le temps de feuilleter tout ce qui se publiait de romans, de voir tout ce qui se jouait de drames, de lire tout ce qui se rimait de vers. Vous ne vous contentiez pas de le voir ou de l’entendre ; vous en disiez votre sentiment, avec votre franchise, avec votre vivacité de plume, avec votre courage habituels. Ni les grands mots ne vous en imposaient, ni les clameurs des coteries ne vous intimidaient, ni le tapage croissant de « la réclame » ne vous décourageait. Vous aviez la conscience de combattre le bon combat, et vous ne doutiez pas que la victoire ne dût finir par vous demeurer. Je dirais qu’en effet c’est ce qui est arrivé si, dans le même temps, non loin de vous, je n’avais un peu livré la même bataille, et qu’ainsi je n’eusse l’air, en vous complimentant, de me complaire moi-même dans mes propres souvenirs.

Ne le disons donc pas ; — mais, sans nous flatter d’y avoir aucunement contribué, ne pouvons-nous du moins constater, au nom d’un intérêt d’art qui nous dépasse l’un et l’autre, que, presque tout ce que nous demandions alors, nous l’avons obtenu ? L’imitation de la nature, qui est le commencement de l’art, n’en saurait être ni l’objet, ni surtout le terme. Convaincus de la vérité de ce principe, nous demandions que l’artiste, s’il devait se résigner à n’être désormais que le miroir de la réalité, la reflétât du moins tout entière, et que l’on retrouvât, dans l’image qu’il en donnerait, quelque chose de la variété, de la diversité, de la complexité de la nature. Faisant un pas de plus, nous demandions qu’il ne s’arrêtât