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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/353

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se fait, qu’on le sache ou non, contre la recherche de la vérité.

La vérité ? disent les adversaires de la science ; mais la science ne la donne pas ; elle déclare elle-même qu’elle exclut de ses conceptions « la considération de l’essence des choses, de l’origine du monde et de ses destinées », c’est-à-dire les seuls objets qui importent réellement à la pensée et à la conscience : la formidable question : Quid est veritas ? est toujours sans réponse. Si par « vérité » on entend la vérité absolue, la réponse ne viendra jamais. Nous savons bien que la vérité absolue n’est pas faite pour l’homme, puisqu’elle embrasse l’infini et que l’homme est fini ; mais nous savons aussi que ce qu’il y a de plus noble en lui, c’est d’aspirer sans cesse à cette vérité relative dont le domaine peut s’agrandir indéfiniment, et débordera peut-être un jour la zone où nos espérances les plus hardies en marquent aujourd’hui les limites. L’esprit qui s’est assigné pour tâche de collaborer à cette grande œuvre, qui, sur un point quelconque, travaille à diminuer l’immense inconnu qui nous entoure pour accroître le cercle restreint du connu, qui s’est soumis à la règle sévère et chaste qu’impose cet auguste labeur, cet esprit est devenu par là même plus haut, plus pur, plus désintéressé ; il a rompu, souvent au prix de luttes cruelles, avec l’erreur capitale qui est la racine de tant d’autres erreurs et que Pasteur aimait à signaler en empruntant les termes de Bossuet : « Le plus grand dérèglement de l’esprit est de croire les choses parce qu’on veut qu’elles soient. » Ce dérèglement, commun presque à tous les hommes, et si naturel en eux qu’il faut une peine infinie et des efforts longuement poursuivis pour y échapper, ce dérèglement dont