Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont les unes ont été faites par des représentants qu’elle désavoue, dont les autres ne pourront se réaliser qu’avec le temps. On lui reproche surtout de ne pas être en état de fournir à l’humanité la direction morale dont elle a besoin. La science pourrait répondre qu’elle n’étend pas si loin son empire, et que d’autres forces, qu’elle ne nie pas, sont appelées à faire dans l’ordre du sentiment et de l’action ce qu’elle fait dans l’ordre de la connaissance. Mais elle peut, et à bon droit, comme l’affirmait Pasteur, prétendre à sa large part dans cette direction morale elle-même. S’il n’est malheureusement pas certain qu’en montrant dans l’instinct social la vraie base de la morale elle assure à cet instinct la prédominance sur les instincts égoïstes, il est certain qu’en rapprochant les hommes, en sapant les barrières qui les séparent encore, elle rend plus facile et montre plus prochaine la civilisation du monde entier ; en augmentant le bien-être et la sécurité, en atténuant l’âpreté de la lutte pour l’existence, elle ne contribue pas seulement au bonheur des hommes : par cela même qu’elle tend à rendre plus légère la servitude des besoins matériels, elle tend à donner plus de douceur aux cœurs, plus d’essor aux âmes, plus de dignité aux consciences. En déracinant, partout où elle s’implante, les préjugés, causes de tant de haines, et les superstitions, sources de tant de crimes, elle défriche le champ où pourra germer et fleurir la semence que trop d’épines étouffent, que trop de rocailles stérilisent… Toutefois, disons-le bien haut, ce n’est pas là qu’est son grand bienfait moral : il est dans la disposition d’esprit qu’elle prescrit à ses adeptes ; il est dans son objet même, la recherche de la vérité. Tout ce qui se dit et se fait contre elle se dit et