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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/466

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Quel chef-d’œuvre d’anthologie, que ce petit poème ! Plus simplement, quel chef-d’œuvre tout court et qui suffirait à classer l’artiste qui a miniaturé ce tableautin dans le groupe choisi des lyriques intimes de ce siècle : à côté et sur le même rang que le Sainte-Beuve des Consolations, que le Brizeux de Marie, que l’Antony Deschamps des Dernières Paroles ! Et ce n’est pas là, comme le célèbre sonnet d’Arvers, une de ces rencontres, un de ces « bonheurs » isolés qui n’ont pas eu de lendemain. Elles abondent chez vous, les pièces de cette qualité de sentiment. Chaque fois que vous avez demandé l’inspiration à vos souvenirs barrois, votre vers a rendu ce son ravissant de délicatesse et de rêverie. Que parlais-je de tableau et de miniature, tout à l’heure ! La définition de votre art, vous l’avez donnée vous-même ingénument et gracieusement par une comparaison empruntée à vos chères forêts, lorsque, vous rappelant le jour où vous aviez assemblé vos premières rimes, vous ajoutez : « J’étais si fier de ma strophe finale que je me la répétais du matin au soir à satiété, comme le loriot qui n’a que trois notes et qui les redit sans se lasser… » Beaucoup de savantes orchestrations dont le bruit nous a étourdis des années seront oubliées, alors que les amoureux de la poésie continueront d’écouter à travers vos œuvres les trois notes exquises de l’oiseau chanteur de Lorraine.

Âme lorraine, âme de frontière, âme complexe !… Qui le croirait ? Cette chanson d’oiseau des bois, vous avez eu le talent d’en fixer les modulations sauvages du fond d’un bureau, parmi la monotonie des occupations les plus régulières et les moins propres, semble-t-il, à une telle