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Page:Achille Essebac - Luc.djvu/103

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LUC

ment et la désolation jaillissent du silence accablant après le gazouillis clair et les paroles gentilles de Luc.


Julien s’absorbe dans ce silence en lequel il veut s’enfermer, comme on se retire, au retour du cimetière, dans le vide muet de la maison que la mort vient de faire déserte…

Le timbre de la porte annonce une visite ; des pas caressent d’un frôlement léger les tapis ; le domestique annonce :

— Mademoiselle Jeannine Marcelot !

C’est Nine, en effet, Nine si peu attendue dans cet atelier où elle ne vient que de rares fois avec sa mère. Nine elle-même entre accompagnée de sa gouvernante, mais la prie de l’attendre dans le salon voisin, grand ouvert sur l’atelier.

De suite, c’est la joie un peu fougueuse de se savoir émancipée ; c’est le verbe haut, le geste hardi et mutin, le rire clair, le sautillement continu des idées et des mots, jusqu’à ce que, calmée, elle annonce à Julien, amusé de cette exubérance gamine et toute jolie, son désir de poser devant lui, et le prie de faire son portrait. Nine a su les fréquentations incessantes de Luc Aubry. Nine a supplié sa mère pour qu’elle lui accordât la faveur de commander à son fiancé, à l’ami de Lucet, le tableau, prétexte peut-être à les rencontrer tous deux. Car Julien est aussi son grand ami à elle. Son grand ami ! Elle insiste, enjôleuse ; et il ne faut rien moins que cette affirmation d’un ton si gaiement, si effrontément espiègle pour décider Julien à accepter. Il veut douter de son talent, il n’est pas