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Page:Achille Essebac - Luc.djvu/148

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LUC

venir. Et Luc devina sous la pression un peu brusque de ces mains fines, tout ce qu’il y avait de femme en la marche sinueuse et gentille, en les paroles douces, en le corps de Nine, — et l’horreur lui vint de penser que celle-ci, tellement délicate et affinée, était toute semblable à la gouine qui, la veille, avait senti se détacher en elle les pétales de son adolescence déflorée.

… Et Nine avait pour dire : « Monsieur Luc » des intonations de voix charmante où tenait aussi de l’admiration, de la jalousie. Elle disait : « Monsieur Luc » tout bonnement ; mais ces deux mots se prolongeaient au delà, dans le silence qui suit, dans le joli sourire des yeux tellement jolis qu’ils paraissaient contenir la vision pastellisée de Lucet nu dans le collant rose-ambré de son maillot. Et les prunelles malicieuses — et amoureuses — de Nine semblaient, en regardant le jeune homme, se caresser à sa douce image… Nine évidemment se demandait, dans son ignorance curieuse d’être renseignée et de connaître des dessous à peine soupçonnés, à qui pouvaient bien appartenir toutes les choses mignonnes : formes, voix, regards, gestes dont se composait cette merveille d’élégance, ce fin bibelot vivant : Luc Aubry ?

À personne, probablement, pensait-elle ; il est si gosse !

Oh ! celui-là n’était pas dangereux, c’était presque une fille… Même dans sa familiarité grandissante, comme le maître d’hôtel annonçait le dîner, Jeannine eut envie de prendre Luc par la taille, comme elle aurait fait pour une de ses amies, en lui disant : « ma chérie ». Les mots se posèrent sur le