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Page:Achille Essebac - Luc.djvu/169

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LUC
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tincts d’originalité, de hors la loi commune. Julien possédait par lui-même et par son père une fortune enviable, son talent était indiscuté ; Luc Aubry venait de révéler une perfection d’art étonnante pour le gamin qu’il demeurait encore ; sa beauté fascinait, — et les hommes eux-mêmes n’étaient pas maîtres de leur admiration. — Tous deux étaient artistes, c’est-à-dire, bien que soient désuets certains préjugés, voués à des excentricités absoutes d’avance. Parfaits gentlemens, les deux jeunes hommes se voyaient donc chargés de ce vice aimable pour que, à défaut de tout autre, on pût au moins leur pardonner celui-là.

Julien gardait une neutralité de bon goût entre les compliments trop empressés à laisser entendre que cette amitié comportait un caractère parfaitement compris et qu’une indulgence libérale en accueillait la grâce perverse — et d’autres compliments dont le réserve voulait exprimer un blâme. Il se refusait à laisser croire ce qui est faux en évitant de se défendre de ce dont on ne l’accusait point.

Du reste, en face de lui, même dans la sélection rigoureuse de cette soirée, se retrouvaient les mêmes génératrices de méchants commérages : femme rosses et mendiantes de génuflexions, jalouses de le voir détourner, — au profit de Luc croyaient-elles, linottes à langues de vipères, — les hommages qui leur devaient revenir, des platitudes et de l’asservissement sexuel des mâles. Elles abominaient ce garçon magnifique de faire si peu de cas des grâces maquillées, des sourires veules, de la « retape » énervante de leurs yeux et de leurs bouches. Et elles se plongeaint dans la sournoise amertume de n’être pas les temples