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Page:Achille Essebac - Luc.djvu/208

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LUC

teur des lettres à Fanchette que, séparé du commun des mortels, il trouvait là, sous la petite colonnade de stuc et de marbre, le seul abri qui convînt à sa divinité : les parois et le parvis d’un temple… On n’est pas plus XVIIIe. Il y avait encore dans la serre quelques belles fleurs, Jeannine donna l’ordre qu’on les portât chez M. Aubry, pour faire honneur à Chérubin. Et Chérubin trouva tout fleuri le sanctuaire aux degrés de marbre. Et les degrés déjà disparaissaient sous l’épaisse jonchée des feuilles dont se dépouillaient les ormes et les chênes.

Et les fleurs les plus rares étaient les yeux de Nine, sa bouche, et ses mains aux lignes précieuses sur lesquelles mit ses lèvres Lucet, cependant que Nine tressaillait sous ce baiser jusqu’au fond de son être charmé.

Julien observe les mouvements des deux jeunes gens, sans en rien perdre. Pour lui se rouvre la blessure chérie qu’a faite à son cœur, à sa chair, le petit clerc de la Trinité, Daphnis, Chérubin. La blessure va s’envenimant davantage chaque jour ; elle est presque inguérissable maintenant. Car Julien se rend compte enfin de la place que prend dans sa vie quotidienne l’exquis adolescent, le gentil Luc aux yeux du vert bleuâtre et doux des oliviers. Il en a bu comme un philtre divin l’âme savoureuse. Dès lors il a peur du désir que l’âme seule ne satisfait plus, il souffre et se maudit de cette attirance douloureuse contre laquelle il n’a pas le courage de lutter.

Cette nervosité maladive, dégagée soudain par la rencontre de Luc enfant chez Déah Swindor, ici, à Moult Plaisant, s’exaspère au delà de tout ce que