Aller au contenu

Page:Achille Essebac - Luc.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
LUC

gardes et malgré lui s’inquiétait de se faire aimable en passant devant Jeannine. Il lui arriva de rectifier en se mirant dans la petite glace cachée en un coin de la sacristie, à côté du lavabo où les prêtres purifient leurs belles mains blanches, les ondulations brunes de ses cheveux tout secoués encore des jeux et des rires d’avant la messe.


Son bonheur était le grandissime cérémonial des fêtes. Ces jours-là, les surplis de lin tuyautés étaient remplacés par de hautes guipures prises sur un empiècement de tulle dont les mailles vaporeuses découpaient en carré le col de la soutanelle, estompant dans la diaphanéité de leur fin réseau le rouge ardent des épaules. Luc prenait goût à se sentir ainsi paré. Il voyait ses petits camarades vêtus comme lui de mouvantes dentelles ; sa grande naïveté était saisie du charme émané d’eux, de lui par conséquent. Il passait rieur et fier devant Jeannine, s’attardait, gracieusement, sans gêne, pour que la jeune fille pût choisir la minuscule brioche à laquelle elle avait droit et en prendre d’autres encore en contrebande. Luc cherchait ses yeux pour lui sourire en complice, hardiment, comme un gamin ignorant de ce que charrient de suaves choses, même les furtifs regards des garçons en qui la puberté ne fait que s’éveiller. Jeannine subissait le choc, et ses paupières se baissaient tout de suite sur ses yeux mordorés informés déjà du péril que couraient ses regards sous l’insistance délicieuse et virile de son ami, — son ami dont la robe rouge et les dentelles blanches et la mignonne figure pâle et décidée troublaient infiniment tout son être.