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Page:Achille Essebac - Luc.djvu/77

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LUC

improbables parmi les masures centenaires en ce coin de Paris. Il fallait traverser, pour arriver à cet atelier, un pont minuscule jeté sur un petit cours d’eau de provenance mystérieuse qui traînait son onde somnolente entre des gazons anémiés et des buis aux âcres senteurs.

L’atelier, le soir où Lucet y fut reçu, était mal éclairé par un lustre de fer forgé suspendu au plafond à l’extrémité d’un long fil, comme une grosse araignée noire dans les pattes de laquelle on aurait planté une demi-douzaine de bougies déliquescentes aux fumeuses mèches taquinées par les courants d’air glissés sous les vitres mal jointes. Les murs étaient tapissés de couronnes en étoffes peintes d’où s’échappaient d’indicibles odeurs de moisi. Des rubans larges et flasques nouaient des palmes d’or faux où des inscriptions dithyrambiques pleuraient sur leurs couleurs passées et poussiéreuses la déchéance des gloires autrefois célébrées.

Le père Rolant s’asseyait au fond, face à la porte d’entrée de plain-pied avec le jardin. Son siège bavait, entre des cordelières déclouées, la mousse sale des crins mal contenus dans une enveloppe exténuée sous la charge du maître. Les élèves étaient tournés vers lui ; les filles à droite, les jeunes hommes à gauche. Le viel acteur faisait exécuter un ensemble de : … rrra… rrre… rrri… rrro… rrru… devant lesquels venaient se placer à tour de rôle toutes les consonnes de l’alphabet. Il exigeait pour chacun de ces gargarismes que l’élève reniflât violemment puis ronflât jusqu’à se remplir la poitrine d’air comme une outre. Après quoi l’expectoration allait sans effort : brrra…