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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/175

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enfants se précipitèrent à la fenêtre. Vingt jeunes hommes et jeunes filles, se tenant par les bras, criaient à tue-tête, fendaient la foule et sa rumeur. Au-dessus des chevelures féminines, maints rubans, des rosettes blanches, ornaient les étages en soie cabossée des chapeaux cylindriques. Sous les visières en paille d’Italie, les visages des demoiselles dardaient la joie, offraient des bouches en fleurs. Leurs jambes en bas blancs soulevaient, à chaque bond, les plis du nansouk et les flots de levantine jaune. Le délire du bruit les agitait au milieu des groupes ; ils répondaient par mille exclamations royalistes. Un adolescent manchot, qui montrait au public son infirmité militaire, hurla de toutes ses forces : ― plus de conscription ! Plus de guerre ! Vive le roi ! Et les voix nerveuses de femmes en deuil lui répondirent : ― plus de conscription ! Vive le roi ! Alors un gros monsieur se hissa sur le rebord d’une devanture, et, s’agriffant aux barreaux écarlates qui défendaient la vitrine, il brandit sa canne pour mugir. ― plus de droits réunis ! Vive le roi ! Il restait là, pâli de son audace. Petit vieillard gras, la bedaine enflée dans la culotte de nankin, il ressemblait à un œuf énorme, accru par en bas de bottes à revers, par en haut d’une face ronde que flanquaient des favoris gris. ― vive le roi ! Vive le roi ! Plus de droits réunis ! Plus de blocus continental !… plus de ruines ! Plus de faillites, plus de misère ! Vive le roi ! Quasi fou, il répétait cela, ne sachant rien dire en outre, tandis que les faces levées de la foule attendaient de son embarras un discours. Enfin elle lui rit au nez : les groupes murmurèrent et s’en furent. Lui