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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/251

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Il tendit la joue, mais elle lui saisit les lèvres dans les siennes et les aspira. Comme elle ne bougeait plus, frissonnante et parfumée, il redouta l’enfer, et que toute sa vie ne fût déterminée de façon vile par le péché. « Je suis l’apostat, si je ne me recule, se prêcha-t-il ; je souille dans l’ordure, à jamais, ma mitre et ma tiare ! » De la main qui n’entourait pas le cou de l’enfant, Corinne repoussa des morceaux de musique ; ils tombèrent du sofa en se froissant. D’immenses rideaux de lampas jaune, flétri, descendaient d’une flèche à pomme de pin blanche ; ils formaient une tente presque close autour d’un lit invisible. Corinne relâcha doucement son étreinte, et regarda longtemps Omer.

― Comme vous avez chaud ! Murmura-t-elle. Ne serait-ce pas… fièvre d’amour ?

Il nia, par crainte qu’elle ne le punit d’une prétention insolente.

― Mon petit doigt me dit que si ! Reprit-elle.

Elle appliqua doucement ses lèvres contre la bouche d’Omer. Il tressaillit, osa, simulant l’inadvertance, effleurer l’enflure vivante de la gorge.

― Je veux couronner ta flamme, bel enfant ! ― cria-t-elle aussitôt.

Elle entraînait Omer éperdu, muet, le sang tout sonore dans les oreilles, jusqu’au lit.

Et elle le culbuta parmi les tentures abondantes de lampas jaune. Les paillasses craquèrent sous leur poids.

Au retour, le capitaine expliquait à Mme Cavrois qu’il menait leur neveu chez une veuve éprise d’art et de philosophie. Un collégien n’apprendrait-il pas à mieux chérir les lettres, s’il constatait que les dames s’en servent pour le commerce de la plus charmante amitié ? Au nom de la veuve, la tante parut avoir ouï dire que cette réputation de belles-lettres était acquise à la mai-