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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/268

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et voulut rattraper l’animal. Mais une douleur naissait au genou. Il préféra ramasser sa casquette dont il brossa machinalement le velours avec le coude. L’épaule aussi le fit souffrir d’une onde dure qui convulsait les muscles. Sa maladresse l’indignait davantage. Il ne saurait donc jamais se tenir à cheval, malgré tant de soins pour observer les maximes équestres.

L’oncle ramena la jument assagie. « Rien de cassé ? » cria-t-il, goguenard. Au signe négatif d’Omer, il commença les blâmes. De par l’habitude ancienne du commandement, le capitaine démentait les affirmations du conscrit…

― Tu ne sais pas ce que c’est qu’un cheval ! Tu n’as pas voulu m’écouter. Je t’avais dit qu’elle avait trop de sang pour toi… Je te connais va !

Le jeune homme bouda. Cela précisément l’exaspérait qu’un texte ne pût dompter tout. Alors si les préceptes d’équitation étaient douteux il ne fallait pas les écrire, les réduire en paragraphes, les présenter comme des lois.

Remis en selle, il éperonna furieusement. La chasse reprit au galop. Un autre lièvre fut levé. Silencieux, l’enfant agitait le problème de comprendre pourquoi s’accrocher à l’arçon par les doigts gauches, étant la seule manière qui lui permît de ne pas vider les étriers, toutes les méthodes s’obstinaient à l’interdire. Il se proposa de convertir les écuyers à cette façon d’équilibre. Il prétendit imposer aux militaires mêmes la mode de monter ainsi avec plus de sécurité et d’assiette. Et sans fin il ergota. Vraiment on eût dit que le lièvre prétendait revoir tous les domaines des hommes qui fertilisent la région, afin de fournir les grains des épis et les têtes d’œillette aux blutoirs de la tante Caroline. Plusieurs fois il courut à la rivière, passa même entre les jambes des chevaux de hâlage qui tiraient le chaland bord à bord, et tout noir du charbon intérieur. Il mena les cavaliers vers les Forges de Saint-Laurent,