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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/269

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brasillantes, là-bas : des gnomes demi-nus y retournent des blocs de feu au moyen de longs crocs rougis ; et les reflets des grandes flammes dansent à la surface de la Scarpe. Elles imposent une aurore boréale à chaque nuit.

Les horizons changèrent. La lumière du ciel s’atténua. Les verdures s’assombrissaient. Le pays défilait. Tout l’Artois circulaire, ses escadres de corneilles croassantes, ses crissolements d’alouettes au ciel, ses villages de chaux vive et de briques roses, ses rideaux de peupliers maigres.

Omer Héricourt sentait l’humus en travail pour la seule fortune des siens.

Les foulées de la jument soumettaient la terre laborieuse prête à créer d’autres moissons. Les chiens aussi l’emportaient aux pattes. Né dans le pli du sillon, nourri d’elle-même, ce lièvre était un peu de cette vie diverse, innombrable, mobile qu’on posséderait mieux si l’on triomphait de sa fuite.

Omer le crut. Il la posséderait, la terre, davantage, s’il triomphait.

Flairant l’odeur de l’Artois, il savourait le goût de sa race. La chasse l’emportait derrière les chiens allongés vers le lièvre qui soudain grimpa la pente d’un talus. « Tayaut ! Tayaut ! » cria M. Lyrisse ; et son alezan grimpa de même. Ils poursuivaient maintenant la trace par les prairies où ruminaient les vaches. Les échines grises des levriers s’étendirent encore, gagnèrent de la distance. Le sol filait. L’horizon approcha. Les silhouettes des villages grandirent.

De toute la vitesse de son angoisse, le lièvre montait là, par la pente immense et aride vers le refuge éloigné des betteraves.

Mais l’oncle alla se poster derrière un monticule, après avoir coupé à travers champs. Pour atteindre un abri, le fugitif se dirigeait là. Omer y galopait à la