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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/326

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cours prévôtales les libéraux trop contents vers cette heure-là. Dès que Graziella eut paru, parlé, chanté, toutes les jalousies se relevèrent à grand bruit, toutes les boutiques s’ouvrirent, la place se remplit de patriotes acclamant, avec la beauté de l’héroïne, la liberté qu’elle personnifiait de façon sublime. La cité, déserte et morne dix minutes avant, vécut tout à coup, avec mille tumultes et toutes les fureurs de l’enthousiasme. Ces pauvres gens abjurèrent leur terreur, répondirent à notre appel, prirent les armes, suivirent le comte de Santa-Rosa. Nous envahîmes, le 4 avril, le territoire autrichien, au chant de l’hymne constitutionnel, derrière l’étendard et la splendeur de mon amazone. Alors je l’aimai. J’appris ce qu’est l’amour véritable : notre idée la plus belle qu’incarne une femme aussi belle. " penses-tu que je puisse abandonner l’enfant conçu dans ce temps inoubliable, mon conscrit ? Que n’accomplira-t-il pas, ce prédestiné ?… hélas ! Que suis-je à cette heure, pour le sauver ? Un misérable proscrit caché dans les combles d’un palais en ruine. Les chevaliers peints à la fresque contre les murs se fendillent et tombent sur les dalles usées. Parfois des tuiles s’écroulent du toit dans les buissons de roses rouges qui ont poussé entre les marches disjointes du perron, et qui couvrent tout jusqu’à la mer monotone. Le vent mugit sous les voûtes, claque l’unique battant d’une porte. Sans doute les sbires et les espions rôdent-ils autour de mon refuge pour me conduire devant la cour martiale. Graziella dort, épuisée, sous les plis de ma cape. Si je tentais une démarche pour légitimer notre union par le ministère d’un de ces moines qui pullulent dans le quartier, j’attirerais certainement la mort sur ma tête ! " je t’écris ces choses pour que tu m’excuses, Omer, de t’offrir un devoir si lourd. Et, tout de même, si ce