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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/431

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pillez-le de vos intérêts. Il me doit assez de chandelles, parbleu !… Où est la dépêche de lord Castlereagh, Monsieur Gagneur ? Avez-vous aussi égaré la dépêche ? Non ? Je rends grâces au ciel et à votre obligeance, par ma foi ?… Monsieur Octave, avez-vous rédigé la pétition de mon neveu… Voici votre pétition pour le titre de probationnaire… Vous la présenterez proprement sur votre chapeau, quand je vous mènerai devers le fauteuil du Père Ronsin. Dégourdissez votre langue, monsieur. Vous restez muet comme une carpe… Préparez des phrases. Récitez-les mentalement… On m’a vanté votre élocution. Vous ne m’en encombrez point céans… Voyons l’heure… Je n’ai pas de loisir… Boutonnez votre habit. Vous n’avez pas tournure d’ecclésiastique, mais de petit-maître. Serrez votre cravate et rentrez-moi ce jabot. Je n’aime pas que vous alliez en pantalon. C’est la mode nouvelle, mais une mode bonne pour le commun, et qu’on verra promptement disparaître de la société… Il faut garder ces façons pour la chambre. Allez mettre une culotte et revenez ici partager ma collation.

À ces mots, il mena son neveu dans le cabinet aux médailles. En des écrins écarlates, ces effigies perpétuaient, sous maintes vitrines, les physionomies d’empereurs byzantins coiffés de pendeloques et tenant le monde sur la dextre. Le maître d’hôtel apportait le plateau couvert d’une cloche d’argent, qu’il déposa sur un guéridon. Quand le jeune homme se présenta en culottes et en souliers lacés, il trouva le comte achevant de manger son omelette à la cuiller. On leur servit la volaille froide, puis la confiture de coings, sans que l’hôte permît une parole. Un signe de sa main interrompit la première question. Le laquais versa plusieurs verres d’eau, que le vieil homme but d’un trait chacun. On descendit dans la cour. L’attelage attendait, devant l’énorme voiture haut suspendue, avec un