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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

dépit de ses excès et des complications où sa conduite pourrait entraîner la Suisse, la France se trouverait engagée à la défendre contre toute action hostile ou répressive de l’étranger ; c’est une illusion qu’il importe de détruire. »

« Certainement, messieurs, continuait M. Guizot, en reprenant son accent gravement persifleur, je n’ai jamais tenu aux radicaux suisses un langage plus sévère que l’honorable M. Thiers. » Et les centres riaient, charmés de cette malice oratoire ; et la majorité frivole et inconsistante, sans plus s’inquiéter du fond des choses, s’empressait de voter le paragraphe sur la Suisse, comme elle avait voté le paragraphe sur l’Italie. Rien ne l’arrêtait plus dans son aveugle zèle ; rien n’était plus capable de la détourner de sa voie fatale.

Interpellé dans le débat relatif à la Pologne sur deux mesures récentes qui paraissent peu d’accord avec les assurances de sympathie renouvelées dans l’adresse : l’interdiction d’un banquet d’anniversaire chez le prince Czartoriski, et l’expulsion de M. Bakounine, au lendemain d’un discours hostile à l’empereur Nicolas, prononcé dans la réunion annuelle des Polonais, M. Guizot s’excuse sur des motifs graves qu’il ne peut sans inconvénient communiquer. Il use de la même réserve à l’endroit des affaires de la Plata, où, suivant les accusations de MM. Drouin de Lhuys, Lacrosse et Chambolle, notre gouvernement trahit, depuis sept ans que les négociations sont entamées, une faiblesse et une hésitation funestes aux intérêts français engagés à Montevideo. On passe ensuite à la discussion sur l’Algérie.

Une diatribe de M. Lherbette dénonce au pays les empiétements rapides du gouvernement personnel. L’orateur montre tous les grands commandements envahis par les princes, la faveur décidant seule de tous les avancements dans l’armée de terre et de mer ; il accuse M. Guizot de souffrir, contrairement au principe du gouvernement représentatif, la présence du roi au conseil. Cette accusation éveille chez le ministre une susceptibilité honorable. Il