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HISTOIRE

position du clergé de Paris, depuis l’avènement de la République, et cet acte émanait d’un prélat considérable qui jusqu’alors avait montré beaucoup de bon vouloir.

Nous avons vu que, dès le 24 février au soir, M. Affre s’était empressé d’envoyer au gouvernement provisoire son adhésion, et qu’à son exemple le clergé de Paris avait béni pendant deux mois consécutifs les arbres de la liberté. L’archevêque avait décidé également que l’on irait aux élections ; on n’ignorait pas qu’il avait voté pour les candidats du gouvernement ; il promettait, enfin, à la République un concours plus actif qu’il ne l’avait jamais accordé à la monarchie de 1850. M. Affre était sincère en ceci comme en toutes choses. Dans la longue lutte qu’il avait soutenue pour défendre l’indépendance de son église, contre le roi Louis-Philippe, qui voulait un clergé dynastique dans sa lutte avec son propre clergé pour introduire des réformes utiles aux ecclésiastiques pauvres ; par son zèle à rétablir dans les séminaires la culture des sciences et des lettres, à propager l’éducation dans la classe ouvrière ; par sa tolérance envers les comédiens, il avait fait paraître un esprit élevé, capable de comprendre les besoins d’une société démocratique, une âme toute préparée, par la vertu chrétienne, à l’état républicaine[1]. Aussi, ce premier acte de désapprobation, de la part d’un homme si bien intentionné, parut-il à tous les esprits attentifs un signe fâcheux ; il concordait, d’ailleurs, avec beaucoup d’autres signes du malaise général.

Tout le monde était mécontent : la bourgeoisie, parce qu’elle ne sentait nulle part d’autorité qui la protégeât contre l’émeute ; la droite de l’Assemblée, parce qu’elle ne se trouvait pas encore assez maîtresse de la situation le parti de M. Marrast, parce qu’il ne réussissait pas à renverser la commission exécutive, et qu’il venait de subir un échec dans l’affaire de M. Louis Blanc ; MM. de Lamartine

  1. « Siete buoni christiani, e sarete ottimi democratici, » disait, en 1797, l’évêque d’Imola, depuis Pie VII.