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HISTOIRE

clare que le crime des insurgés est à découvert, et que l’Assemblée ne reculera devant aucun effort pour faire son devoir, comme la garde nationale fait le sien[1].

C’était renoncer à tout espoir de conciliation. C’était donner à l’insurrection un caractère tellement odieux qu’elle ne pouvait plus prendre conseil que du désespoir. Cependant l’Assemblée, en adoptant cette proclamation, n’est pas aussi résolue à la guerre à outrance qu’elle peut le paraître ; elle hésite, elle ne sait ce qu’elle doit vouloir. Ceux qui parlent de clémence lui semblent des traîtres ; ceux qui conseillent des mesures extra-légales étonnent sa conscience. M. Degousée, qui demande l’arrestation de tous les rédacteurs de journaux socialistes, n’est pas écouté. La séance reste un moment suspendue.

À dix heures, un vif mouvement de curiosité se manifeste ; le général Cavaignac monte à la tribune ; on l’écoute dans un silence profond. Le général en chef paraît extrêmement triste. Il regrette, dit-il d’une voix brève et saccadée, de n’avoir pas de renseignements complets à donner à l’Assemblée ; il n’y a pas de rapports des généraux. La résistance a été malheureusement bien énergique. Les barricades sont encore debout ; mais les régiments des environs de Paris sont en route. Il ne doute pas que la garde nationale des départements n’arrive promptement. Il annonce que pendant la nuit les troupes resteront massées autour de l’Assemblée.

On se sépare sur ces paroles peu rassurantes du général en chef. La consternation est dans tous les esprits. Le président, le bureau de l’Assemblée et un certain nombre de représentants, passent le reste de la nuit au Palais-Bourbon.

Le lendemain 24, à huit heures du matin, la séance est reprise. On entend gronder le canon et la fusillade. Les bruits les plus contradictoires circulent. Selon les uns, l’in-

  1. Voir aux Documents historiques, à la fin du volume, no 15, la proclamation de M. Considérant et celle de M. Senard.