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Page:Aimard, Auriac - Les Pieds fourchus.djvu/13

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LES DRAMES DU NOUVEAU-MONDE

de clair sur toutes ces matières, malgré la persévérance canine que la meute des curieux mettait dans ses recherches.

En définition, l’Oncle Jerry était plutôt craint qu’aimé ; cependant comme habituellement il disait ce qu’il pensait, il faisait ce qu’il disait, on ajoutait foi à ses paroles. D’autre part il n’inquiétait personne pour opinions politiques ou religieuses, laissant chacun libre comme il voulait l’être lui-même ; il resta donc en bons termes avec les « Amis » qui lui pardonnèrent ses deux ou trois mariages, et le traitant toujours comme un des leurs, continuèrent de l’appeler « Jeremiah. » De tout cela il résultait que l’Oncle Jerry était en butte à tous les désagréments qu’éprouve un chef de taverne, sans y joindre les bénéfices d’un seigneur. Mais, tout plein de courtoisie chrétienne, et conciliant par nature, il se faisait tout à tous, pourvu qu’on ne l’ennuyât pas trop ; gardant son chapeau sur sa tête, dans sa maison ; disant tu et toi avec les Quakers, quelque fois même avec sa femme. D’ordinaire il affectait de parler le langage du peuple, et quelquefois il en faisait usage avec une verve et une saveur toute martiale.