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Page:Aimard - Le forestier.djvu/35

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Le Forestier

riait plus ; quant à No Santiago, qui ne savait à quoi attribuer cette tristesse, il se creusait en vain la cervelle pour en découvrir la cause, et il était furieux de ne pas la trouver.

Au bout d’une dizaine de jours, un matin à déjeuner, le forestier se tourna brusquement vers Pedro debout derrière sa chaise :

— Y a-t-il longtemps que tu n’as reçu des nouvelles de tes fils ? lui demanda-t-il. · Assez longtemps, oui, señor.

— Où sont-ils ?

— L’aîné, Michel, s’est fait marin, comme je vous l’ai déjà dit, señor, il s’est embarqué à Bayonne, il voyage sur la mer océane.

— Bon, et l’autre ?

— Perico ?

— Oui.

— Il est au pays, là-bas, vous savez, señor, chez ses grands parents.

— Il ne veut pas être marin, lui, à ce qu’il paraît ?

— Oh ! non ; c’est un franc montagnard ; j’attendais une lettre de lui, je suis étonné de ne pas l’avoir reçue.

— Bon ! j’irai demain à Tolède, je m’informerai, sois tranquille.

— Merci ! señor.

— Et puis, je ne suis pas fâché de savoir ce qu’est devenu mon cheval, ce don Felipe me semble ne pas se gêner avec moi.

— Se gêne-t-on avec ses amis ? dit une voix douce du seuil de la porte.

Les convives se retournèrent avec surprise.

Les femmes ne retinrent que difficilement un cri d’effroi.

Don Felipe était debout auprès de la porte, calme, souriant, et la chapeau à la main.

Il s’inclina profondément.

— Salut et santé à tous ! dit-il.

— Pardieu ! s’écria le forestier, vous ne pouviez arriver plus à propos, don Felipe, je parlais justement de vous.

— Je l’ai entendu, répondit-il en souriant.

— Nous ne faisons que nous mettre à table, vous déjeunez avec nous, n’est-ce pas ? Pedro, un couvert…

— J’accepte de grand cœur, mon hôte.

Et il s’assit entre les deux jeunes filles qui se reculèrent, comme d’un commun accord, pour lui faire place.

— Mon cher hôte, reprit don Felipe dès qu’il fut assis, j’ai ramené votre