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Page:Aimard - Le forestier.djvu/50

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Le Forestier, par Gustave Aimard


Les couches de doña Cristiana avaient été fort laborieuses elle ne se rétablissait que très difficilement ; cependant les médecins ne montraient aucune inquiétude ; ils annonçaient que bientôt la jeune femme serait en état de se lever ; lorsque tout & coup, contre toute prévision, doña Cristiana, après une visite assez longue que lui avait faite le comte-duc d’Olivarès, fut prise subitement d’une crise nerveuse et expira après une demi-heure de souffrances horribles, sans pouvoir prononcer une parole, entre les bras du roi presque fou de désespoir.

Cette mort fit grand bruit à la cour.

Les ennemis du ministre, et il en avait un grand nombre, allèrent jusqu’à parler tout haut d’assassinat, c’est-à-dire d’empoisonnement ; mais rien ne vint justifier ces bruits qui finirent par s’éteindre d’eux-mêmes.

Le roi, inconsolable de la mort de cette femme, la seule qu’il eut véritablement aimée, et qui par sa douceur angélique et sa haute intelligence était si digne de son amour, lui fit faire des funérailles magnifiques ; pendant longtemps il s’enferma dans son palais, où il s’obstina à ne recevoir que quelques-uns de ses familiers les plus intimes.

Les malheurs vont par troupes, dit-on ; ce dicton populaire sembla cette fois fatalement se réaliser.

Doña Maria Dolorès et sa seconde fille doña Luz s’étaient retirées en Biscaye aussitôt après la mort de doña Cristiana, et avaient été cacher leur douleur dans le château de Tormenar, sombre édifice construit dans les montagnes, à deux ou trois lieues à peine des frontières françaises.

Une nuit, le château fut surpris et incendié par des maraudeurs appartenant, dit-on, à l’armée française ; la faible garnison qui défendait Tormenar fut massacrée, le bourg et le château mis à feu et à sang.

Le lendemain, il ne restait plus que des ruines fumantes l’incendie avait été éteint dans le sang ; les maraudeurs gorgés de richesses avaient disparu, emmenant avec eux doña Maria et sa fille doña Luz.

Ce nouveau et terrible coup qui frappait don Luis faillit le rendre fou de douleur.

Le duc cependant, à force de volonté, dompta son désespoir ; il voulait retrouver sa femme et sa fille ; mais vainement il prodigua l’or et les promesses ; toutes ses recherches furent sans résultat ; tous ses efforts demeurèrent stériles ; jamais le mari désolé, le père désespéré, ne réussit à apprendre un mot du sort de ces deux créatures qui lui étaient si chères ; un mystère impénétrable enveloppa cette sombre et ténébreuse histoire.

Après avoir, pendant plusieurs années, parcouru l’Europe dans tous les

(Liv. 8)