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Le Forestier

le roi ; il termina son récit en lui disant que, ne voulant pas se séparer de lui, il avait demandé à Sa Majesté l’autorisation de l’emmener à Madrid.

— Voici, ajouta-t-il en lui présentant la cédule royale, ce que le roi m’a chargé de vous remettre, mon père.

Le prêtre ouvrit le papier et jeta un cri de surprise : le père Sanchez était nommé prieur du couvent des Hiéronymites de Madrid.

Le lendemain, la vallée dans laquelle pendant tant de temps la famille de Tormenar avait vécu si heureuse était déserte de nouveau, la chaumière abandonnée ; ses habitants l’avaient quittée pour toujours.

Les choses se passèrent ainsi que le roi l’avait décidé.

Le mariage de Philippe IV et de doña Cristiana fut célébré à l’Escurial, en présence d’une partie de la cour et du comte-duc d’Olivarès lui-même, bien que ce mariage eut été déclaré secret.

Le ministre tout-puissant cacha habilement le déplaisir que lui causait cette union, contractée malgré lui ; en apparence du moins, il s’inclina comme toujours devant le fait accompli.

Les choses durèrent ainsi pendant assez longtemps ; le ministre, et, à son exemple, tous les courtisans faisaient une cour assidue à celle qui d’un jour a l’autre pouvait être déclarée reine.

Don Luis de Tormenar jouissait on paraissait jouir d’un crédit immense et bien établi à la cour, où il résidait presque constamment, ne faisant que de courtes et rares visites à son gouvernement de Biscaye.

Deux ans s’écoulèrent enfin doña Cristiana devint enceinte ; au mois de décembre 1641 elle donna le jour à un fils.

Cette naissance, si impatiemment attendue par le roi, le combla de joie.

Averti aussitôt, il accourut au palais de Tormenar, où doña Cristiana avait continué de résider ; il voulut placer lui-même dans le berceau de ce fils tant désiré le grand cordon de la Toison d’or, dont les rois d’Espagne étaient grands maîtres, comme héritiers directs des ducs de Bourgogne.

Le nouveau né fut baptisé sous les noms de Gaston-Philippe-Charles-Laurent, créé aussitôt par son père comte de Transtamarre, et almirante de Castille.

Puis le roi, fidèle à la parole qu’il avait donnée au duc de Biscaye, se mit en mesure de faire déclarer publiquement son mariage, et de faire reconnaître doña Cristiana comme reine d’Espagne et des Indes.

Les choses marchèrent très rapidement ; tout fut prêt de façon à ce que la cérémonie eût lieu, aussitôt après les relevailles de la future reine, au couvent de las Huelgas.