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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/166

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L’absence du docteur se prolongea pendant un quart d’heure au plus ; il entra et se mit à table en se frottant les mains.

— Eh bien, père ? lui demanda Julian avec inquiétude.

— Notre malade va bien, répondit-il ; je lui ai annoncé ce que je me propose de faire après déjeuner ; cela l’a calmée complétement, en lui rendant l’espoir qu’elle avait perdu ; elle va dormir pendant deux ou trois heures, et ce soir elle sera guérie.

— Ah ! père, dit affectueusement le jeune homme, vous êtes à la fois le médecin du corps et celui de l’âme ; quel beau rôle vous faites jouer à la médecine ! Aussi vous opérez des cures merveilleuses.

— Voilà tout le secret de la médecine, garçon, dit gaiement le docteur. Le médecin doit à la fois traiter son malade au moral et au physique, sous peine de voir ses remèdes rester inefficaces, s’il ne procède pas ainsi.

— À ta santé, Bernardo, dit Julian. Que penses-tu de cela ?

— Ton père a raison comme toujours, répondit le montagnard en vidant son verre rubis sur l’ongle. Caraï ! ajouta-t-il, voilà un fier vin !

— Oui, pas mauvais, dit le docteur. Voyons, entendons-nous sur le départ de ce soir.

— Oh ! c’est bien simple, dit Bernardo. Il faut partir un peu tard ; ce soir, j’attendrai Julian, avec deux chevaux, au val de la Cabra.

— Pourquoi deux chevaux ? demanda le docteur.

— Dam ! tout simplement parce que Julian est mon ami d’enfance, que je l’aime comme s’il était mon frère et que je ne veux pas l’abandonner tout seul dans le danger ; il est souvent bon d’avoir un ami près de soi, quand on souffre, qu’on est séparé de ceux que l’on aime, et que l’on ne sait pas quand on reviendra. D’ailleurs, je lui servirai de guide à travers les chemins perdus, qu’il nous faudra prendre, pour éviter les mauvaises rencontres.