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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/221

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— Bon ! cela n’est pas sérieux ?

— Très sérieux, au contraire ; ils enrôlent de toutes parts, contractent des alliances avec les Peaux-Rouges, et même, dit-on, ils pensent à prendre à leur solde ces aventuriers de tous les pays qui, depuis la découverte de l’or, se sont, comme une nuée de vautours, abattus sur ces riches contrées. Les Mormons ont expédié partout des émissaires ; ils en ont aussi bien dans Francisco même qu’en Sonora, et dans les autres contrées du Mexique qui bordent le Colorado.

En ce moment, Cœur-Sombre releva la tête, et, tout en tordant une cigarette, d’un air ennuyé :

— À propos, Laframboise, dit-il, pourriez-vous me donner quelques renseignements sur un misérable qui, avant mon départ pour New-York, était devenu un véritable fléau pour les caravanes d’émigrants, voyageant à travers les prairies, et même pour les chercheurs d’or, qu’il allait relancer et rançonner jusque sur les placeres.

— Attendez donc, dit l’hôtelier, en frappant du poing sur la table ; ne serait-ce pas du Mayor ou le Bisojo, ainsi qu’on le nomme quelquefois, que vous voulez me parler ?

— Précisément ; vit-il encore ? ou bien l’a-t-on lynché ?

— Il est plein de vie et plus redouté que jamais ; c’est un coquin d’une impudence rare, mais d’un courage à toute épreuve. Il doit rôder par ici, aux environs.

— Comment le savez-vous ?

— Je l’ai vu hier.

— Vous ?

— Comme je vous vois.

— Ici, chez vous ?

— Mon Dieu, oui, il a déjeuné à cette table où nous sommes, et m’a donné généreusement une once pour ce repas, qui valait à peine deux dollars.

— Comment ? vous, un honnête homme ? vous avez laissé entrer chez vous et vous avez hébergé un tel bandit ?

— Que voulez-vous ! il le fallait, Cœur-Sombre, mon ami, je n’étais pas le plus fort !