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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/343

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l’avoue, à faire plus ample connaissance avec lui, interrompit-elle avec un sourire triste. Mais vous êtes un homme, vous ; rien ne doit vous surprendre ni vous arrêter ; d’ailleurs, vous n’êtes pas seul, vous avez, m’a-t-on dit, un ami dévoué près de vous ?

— Oui, répondit-il avec mélancolie, en pressant la main de son compagnon ; un ami de toutes les heures, fidèle et dévoué, sans lequel depuis longtemps déjà je serais mort : il m’a soutenu, consolé. Dans toutes les circonstances terribles de ma vie d’aventures, je l’ai toujours trouvé entre le danger et moi. Vous avez raison, madame, j’ai un ami, et je suis un ingrat de l’oublier, car je ne compte plus les fois que je lui ai dû la vie.

— Que dis-tu donc là ? s’écria Main-de-Fer. Caraï ! ami, si nous faisions nos comptes, la balance ne serait pas en ma faveur l’obligé de nous deux, c’est moi !

— À la bonne heure, voilà qui est parlé ! s’écria la comtesse avec un rire perlé ; c’est ainsi que j’aime les discussions entre amis. Vous croyiez donc que je vous avais oublié, monsieur Julian !

— Madame, vous êtes un ange, et aux anges on ne demande pas compte de leur conduite. Vous avez eu sans doute des raisons sérieuses pour garder ce long silence. Je m’incline humblement. Et à présent que je vous vois, que je suis près de vous, marchant côte à côte en votre compagnie si chère, je me reprends malgré moi à espérer.

— Et vous avez raison, dit-elle gaiement. Mais vous me reprochez de vous avoir oublié. En ceci, vous n’êtes pas juste. Le service des postes est très mal fait dans les déserts. Je vous ai écrit dix lettres peut-être ; je vous en montrerai les brouillons au besoin ; vous n’avez pas répondu à une seule.

— Parce que pas une seule ne m’est parvenue, madame.

— Je m’en doutais, voilà pourquoi vous me rencontrez ici.

— Comment ! que voulez-vous dire ? C’est pour moi ?…

— Que j’ai entrepris ce voyage ? Oui, monsieur, pour