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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/352

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— Oui, épouvantable, mais rigoureusement vrai. Savez-vous pourquoi je ne l’ai pas tué et pourquoi je me suis senti ému de pitié pour lui, madame ? Je vais vous le dire. C’est qu’il exposait ses plans à un autre scélérat pire encore que lui, peut-être, et que, pour ne pas être entendu de ses complices, il lui parlait en langue basque qu’il croyait inconnue de tous ses auditeurs.

— En langue basque ! Cet homme parlait le basque ! s’écria la comtesse en pâlissant et joignant les mains.

— Oui, madame, et il le parlait aussi purement que vous, mon ami et moi, nous le ferions ; j’étais là, près de lui ; je ne perdais pas une seule de ses paroles ; en entendant ma langue maternelle, parlée ainsi, si loin de mon pays, cela me bouleversait le cœur, m’attendrissait malgré moi ; j’oubliais tout pour ramener mes pensées en arrière, et rappeler les souvenirs de ma première jeunesse toujours vivants au fond de mon âme ; il fallut l’atrocité des projets de ces deux monstres et un effort de volonté suprême, pour rompre le charme qui me maîtrisait. Tout à coup je me mêlai à leur conversation, en langue basque, moi aussi ; ce fut un coup de foudre pour ces misérables. Maintenant sachez le nom du complice du Mayor, de l’homme auquel il confiait ses plans ; cet homme était mon ennemi mortel, la cause de toutes mes souffrances et de tous mes malheurs, Felitz Oyandi !

— Felitz Oyandi ! ce monstre vit encore ?

— Je le crois, car je lui ai fait grâce.

— Et tu as eu tort ; il reparaîtra quelque jour ; il faut toujours écraser la tête du serpent, fit Main-de-Fer en hochant la tête.

— Mais ce Mayor, ce Mayor quel est-il ?

— Je l’ignore, madame.

La comtesse laissa tristement tomber la tête sur la poitrine.

— Continuez, dit-elle.

— Ne vaudrait-il pas mieux remettre cette conversation à plus tard, madame ? Vous semblez douloureusement affectée.