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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/378

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Il faut qu’il ait les forces nécessaires pour soutenir la lutte qu’il prévoit.

Même sans appétit il mange, afin de conserver sa vigueur, qui, dans tous les cas, pour le bien comme pour le mal, lui est toujours indispensable.

En Europe, en France particulièrement, il n’en est pas de même.

On s’étonne de voir un soldat bien manger avant la bataille.

On se sent pris d’horreur en apprenant que, avant de commettre un crime, un scélérat a fait un excellent dîner.

Cependant cette conduite est logique et conforme aux lois de la nature.

En France, la joie, de même que la douleur, coupent l’appétit.

Dans l’un et l’autre cas, il est impossible d’avaler un morceau.

L’esprit s’affaisse, le moral s’impose au physique, on perd ses facultés intellectuelles, et la maladie et quelquefois même la mort sont les conséquences de cette déplorable façon d’agir.

Je lui préfère beaucoup la coutume des coureurs des bois.

Cependant les chasseurs avaient achevé leur repas.

Ils avaient fait table rase : pas un relief ne restait !

— Ouf ! j’avais grand faim, dit Cœur-Sombre.

— Et moi aussi, répondit Main-de-Fer.

C’étaient les premières paroles qu’ils prononçaient depuis qu’ils avaient quitté la comtesse.

— Un coup d’eau-de-vie pour aider à la digestion, reprit Cœur-Sombre.

— C’est une bonne idée ! répondit aussitôt Main-de-Fer.

Cœur-Sombre retira de ses alforjas un boujarron en cuir, pouvant contenir environ la valeur de deux verres à liqueur, le remplit à sa gourde et l’avala d’un trait.

Puis il le remplit de nouveau et le présenta à son ami, qui en engloutit aussi prestement le contenu.

— Hein ! dit Cœur-Sombre en faisant clapper sa langue contre son palais, cela fait du bien !