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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/380

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Les fauves habitants de la forêt haletaient au remisage.

Un calme profond régnait dans le désert.

Seul, un bruit presque imperceptible troublait le silence ; c’était l’œuvre des infiniment petits qui jamais ne s’arrêtent, accomplissant leurs mystérieux arcanes.

Deux heures s’écoutèrent ainsi.

Les chasseurs dormaient profondément, leurs visages cachés sous d’épais mouchoirs pour se préserver des cuisantes piqûres des moustiques, dont des myriades se jouaient dans chaque rayon de soleil.

Tout à coup les chevaux qui, depuis qu’ils avaient achevé de broyer leur provende, se tenaient la tête baissée et restaient immobiles, faisant probablement leur siesta, eux aussi, eurent un frissonnement dans tout le corps, redressèrent brusquement la tête et pointèrent les oreilles.

Ils avaient entendu, avec leur finesse d’ouïe ordinaire, quelque bruit suspect.

Puis, après un instant, ils se rapprochèrent des chasseurs endormis et poussèrent un hennissement doux et plaintif, comme s’ils demandaient secours à leurs maîtres.

Les chasseurs et les coureurs des bois, si profondément qu’ils dorment, s’éveillent au plus léger bruit, et en ouvrant les yeux rentrent aussitôt en possession de toutes leurs facultés.

Cœur-Sombre et Main-de-Fer, réveillés en sursaut par les hennissements plaintifs des chevaux, bondirent sur leurs pieds, la carabine à la main.

Ils penchèrent le corps en avant et écoutèrent.

Ils n’entendirent rien.

Cependant les deux animaux donnaient des preuves évidentes de peur.

— C’est peut-être un jaguar ? dit Cœur-Sombre.

— Ou un ours gris, répondit Main-de-Fer.

— Qui sait ? reprit Cœur-Sombre prenons nos précautions.

Ils cachèrent les chevaux au milieu d’un épais buisson, et s’embusquèrent de chaque côté, le doigt sur la détente de la carabine, l’œil au guet, l’oreille tendue.