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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/82

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raisse, que mon mari reste dans l’ignorance de ce que je suis devenue, qu’il continue à me croire morte ; ainsi, je l’espère, je lui échapperai.

Le docteur demeura silencieux pendant quelques instants, puis il redressa la tête et regardant la marquise bien en face :

— Madame, lui dit-il, je n’ai pas l’honneur de vous connaître ; je ne sais de vous que ce qui s’est passé devant moi ; au fond du cœur, je vous crois innocente ; d’ailleurs, en admettant que vous soyez coupable, il n’est pas au monde de fautes ni de crimes, si odieux qu’ils soient, qui justifient les horribles sévices que vous avez subis ; pour moi, votre mari est un scélérat, un monstre ; vous aurez cent fois, mille fois raison d’essayer de lui échapper ; vous êtes dans le cas de légitime défense ; la loi est impuissante à vous protéger ; vous ne devez donc chercher votre salut qu’en vous-même et par vous-même ; je vous aiderai de tout mon pouvoir à sauver votre vie deux fois menacée, mais à une condition ?

— Laquelle, docteur ? Quelle que soit cette condition, j’y souscris d’avance.

— Cette condition, la voici, madame ; c’est que, satisfaite de vous être mise en sûreté, plus tard, à votre tour, vous n’essayerez pas de vous venger de ce misérable dont vous avez si justement à vous plaindre, sauf s’il survenait des événements impossibles à prévoir, et que, dans tous les cas, vous n’attaquerez pas la première, mais seulement dans le cas de légitime défense.

— Je vous le jure devant Dieu qui m’a sauvée, docteur ; je ne me défendrai que si l’on m’attaque, mais alors je serai sans pitié !

— Et vous aurez d’autant plus raison, madame, que tous les droits seront bien réellement de votre côté. Maintenant, veuillez me dire ce que vous désirez de moi.

— Je suis bien décidée à partir, mais malheureusement cela me semble bien difficile, sinon impossible, isolée comme je le suis, entourée d’une foule de domestiques curieux, et dont la plus sérieuse occupation est de me