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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/94

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ce grimage, car elle réussit complètement ; son mari lui-même ne l’aurait pas reconnue.

Ce premier travail terminé, elle s’habilla.

Le costume qu’elle avait choisi était un vêtement de cheval : culotte de peau de daim, bottes molles armées d’éperons d’argent et montant au-dessus du genou, gilet de chasse fermé au cou, col renversé, cravate de soie noire à la Colin, redingote de chasse et chapeau mou en feutre gris, à larges bords.

Ainsi vêtue, la marquise était adorable ; grande et svelte comme elle était, elle paraissait vingt ans, et semblait un jeune homme, assez espiègle et mauvais sujet, échappé récemment des bancs du collège ; elle s’était en outre précautionnée d’un épais et large manteau espagnol, et d’une paire d’excellents pistolets ; dans sa valise, elle avait placé deux mignons revolvers à six coups de Devisme.

Après avoir bruni ses mains, elle mit des gants de peau de daim, jeta son manteau sur ses épaules, prit sa cravache et regarda la pendule.

Huit heures allaient sonner ; tout à coup l’échappement du timbre fit un bruit sec, l’heure sonna.

La marquise tressaillit.

— Huit heures déjà, murmura-t-elle.

Elle promena un regard mélancolique tout autour de la chambre.

— Il faut abandonner tout cela, sans espoir de retour, reprit-elle. Hélas ! j’aurais pu être si heureuse ? Pourquoi la fatalité en a-t-elle ordonné autrement ? Quelle va être ma vie maintenant ?

Un sanglot lui gonfla la gorge.

— Je suis morte ; je n’existe plus pour le monde… mon Dieu ! mon Dieu ! qu’ai-je donc fait pour tant souffrir ?… avais-je donc mérité d’être liée pour la vie à un tel monstre !…

Mais après un instant de silence, elle releva fièrement la tête, jeta un regard assuré autour d’elle, et d’une voix ferme elle reprit :