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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/95

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— Il faut partir ! assez de faiblesse : adieu à la vie passée, aux douleurs, aux tortures !… Salut à l’existence nouvelle ! à l’avenir calme, reposé, heureux ! Adieu ! et qu’il soit maudit celui qui m’a perdue ! Allons !

Elle fit jouer, d’une main qui ne tremblait plus, le ressort de l’issue secrète, ramassa la lanterne, l’alluma ; puis, se chargeant de sa valise, elle sortit, referma la porte dérobée, et commença à descendre lentement l’escalier en spirale.

Tout son courage lui était revenu ; sa prunelle dilatée lançait une flamme sombre : un sourire amer plissait les commissures de ses lèvres ; tout en descendant, elle se souvenait de son enlèvement de la veille, des angoisses qui lui tordaient le cœur tandis que, bâillonnée et jetée comme un paquet sur les épaules du farouche matelot, elle allait, guidée par son mari, qui marchait insoucieux en avant, le falot à la main et le cigare aux lèvres, sans même paraître entendre les gémissements de sa victime et le bruit de sa tête rebondissant contre les angles de la froide muraille.

Enfin elle posa le pied sur le sol du souterrain.

Là ses bourreaux avaient fait halte un instant ; le matelot l’avait brutalement laissée tomber à terre, pour boire un long coup d’eau-de-vie à sa gourde, qu’il avait passée ensuite à son chef, qui, lui aussi, avait bu sans même jeter un regard de pitié sur la malheureuse, râlant et se tordant à ses pieds.

Tous ces souvenirs si récents revenaient en foule à l’esprit de la marquise et la raffermissaient dans sa résolution ; d’ailleurs eût-elle voulu revenir en arrière, que cela ne lui eût été plus été possible, il était trop tard. Il lui fallait marcher en avant quand même.

Elle s’engagea résolument dans le souterrain. En quelques minutes, elle atteignit la muraille de granit ; elle fit jouer le ressort, jeta la lanterne, passa et referma derrière elle la muraille.

Tout était fini !

Elle était maintenant en pleine campagne.